Communiqué de presse du collectif “Tract des Linguistes”, 10 juillet 2023
L’association « Tract des linguistes » a été interpellée par la récente déclaration du ministre de l’Éducation Pap Ndiaye le 9 juillet au micro de Radio J. Cette déclaration, qui s’inscrit dans une longue tradition, entretient à la fois la confusion connue entre maitrise de la langue et maitrise de l’orthographe, et l’illusion que les causes multiples de la baisse des performances en orthographe pourraient trouver une solution facile et rapide.
L’orthographe de 1878 n’est plus enseignable depuis longtemps, dans le temps imparti aux cours de français. Ce n’est pas par accident que la majorité des francophones, toutes classes sociales confondues, font des erreurs d’orthographe de manière courante. Il est inutile de faire croire qu’on peut revenir au temps où on consacrait une large part du temps scolaire uniquement à l’orthographe, la conjugaison des verbes irréguliers et l’accord du participe passé.
Pour remédier à la situation actuelle, il faudrait :
– plus d’histoire de la langue pour donner du sens à cet enseignement et non des règles arbitraires présentées comme immuables ;
– plus de rédaction en classe (comme le propose justement le ministre), mais avec l’aide des correcteurs automatiques pour pouvoir se concentrer sur le lexique, les structures grammaticales, la créativité et l’argumentation, en attendant de réformer l’orthographe ;
– appliquer réellement les rectifications orthographiques de 1990 et dépénaliser l’invariabilité du participe passé avec « avoir » dans tous les manuels et éditions scolaires, comme le demandent de nombreuses fédérations de professeurs de français depuis plusieurs années ;
– ouvrir urgemment le chantier d’une nouvelle réforme de rationalisation de l’orthographe.
En l’état, les pistes proposées par le ministre ne seraient pas plus « justes ». Au contraire, elles accentueraient encore un peu plus les inégalités sociales déjà très importantes dans notre pays.