Réponse moins simple qu’il n’y parait.
Un détour par les rectifications orthographiques de 1990 pour éclairer le débat : c’est parti pour un billet #orthographe d’après l’article de Patrice Gourdet 🧶
En 1990, le chef du gouvernement de l’époque, Michel Rocard, engage une réflexion pour rectifier l’orthographe en vigueur. Un décret parait au journal officiel du 6 décembre 1990. Ces rectifications ne concernent que peu de termes, en gros un mot par page.
Ces rectifications ont été rapidement appliquées dans les différents pays et provinces francophones, mais pas en France. Il faut dire que les textes officiels pour l’école sont loin d’avoir donné l’exemple. Petit florilège des péripéties politiques. Attention, c’est du lourd 🏋️
Depuis la parution du décret en 1990, 7 textes différents se sont succédés en ce qui concerne l’enseignement du français. Oui oui, vous avez bien lu : 7 textes en 33 ans (soit 1 tous les 5 ans).
Les programmes de 1995 et 2002 sont écrits en orthographe non rectifiée sans mention de l’existence de l’orthographe rectifiée. Les textes de 2007 et 2008 sont écrits également en orthographe non rectifiée mais une remarque indique que l’orthographe rectifiée est la référence.
Cette précision questionne car dans des textes qui se veulent prescriptifs, ceux-ci reprennent une forme morphologique ancienne tout en demandant aux enseignants d’appliquer une orthographe rénovée, une très belle illustration de l’injonction paradoxale.
Les textes institutionnels parus au BO du 26 novembre 2015 et applicables à la rentrée 2016 sont, pour la première fois, en orthographe rectifiée. Mais ils ont été réécrits dès 2018 (pour le français, les mathématiques et l’enseignement moral et civique). Vous suivez toujours ?
Une partie des textes de 2018 est en orthographe rectifiée et une autre partie en ancienne orthographe. Cette particularité a été définitivement résolue par la parution, en juillet 2020, d’un nouveau texte, un de plus, avec une réécriture complète en ancienne orthographe.
Le ministère par le biais des textes présentant les prescriptions a mis 18 ans à autoriser les enseignants à utiliser l’orthographe rectifiée, 25 ans à l’utiliser au sein des programmes et 30 ans pour tout stopper et revenir à une orthographe ancienne. De vrais champions 👍
Morale de l’histoire : c’est un peu comme si on était revenu au code de la route du temps des calèches après avoir tenté de moderniser les textes avec force tergiversations. Si on suit cette logique, on devrait encore écrire rhythme, advocat et… nénufar (graphie avant 1935).
Et question fondamentale : pourquoi tous ces atermoiements si, in fine, ce n’est pas le pouvoir politique qui décide de l’orthographe que nous utilisons ?
Et une précision supplémentaire : le texte paru au Journal officiel en 1990 lui-même n’est pas rédigé en adoptant les rectifications…